En quête d'une arme maudite (PV Ishtar)

[Carmilla]

(Ce sujet suit celui-ci)

La vampire ne put retenir un sourire quand la dragonne lui annonça qu'elle avait ce qu'il lui fallait. Très bien... C'était parfait. Elle n'était pas vraiment surprise, pour être franche : une nécromancienne aussi puissante et expérimentée devait bien avoir quelques armes magiques en réserve quelque part. Au bout de plusieurs années, les plus puissants sorciers accumulaient toujours toutes sortes d'artefacts dans leur armurerie.

Depuis qu'elle résidait au donjon, Carmilla n'était jamais descendue dans cette partie du sous-sol. Le seul nom de "chambre magmatique" suffisait à repousser la plupart des vampires, qui associaient un tel nom à l'élément du feu, qu'ils n'aimaient guère. Il était assez difficile d'avoir la moindre affection pour l'élément qui pouvait vous anéantir totalement... Son potentiel destructeur était indéniable, mais il consumait tout, empêchant d'ailleurs d'utiliser les corps carbonisés ou incinérés. Un véritable gâchis, pour une nécromancienne !

Au moins, elle venait ici pour une bonne raison. Elle avait hâte de mettre la main sur l'arme maudite ! La dragonne lui révéla au passage que la dague en question lui venait de sa maîtresse, la fameuse Anoka.

Elle aurait sincèrement aimé la connaître... Elle lui aurait certainement enseigné tout ce qu'elle savait. Enfin, la dragonne était déjà douée, non ? Elle saurait s'en contenter... Pour le moment.

- Je vous fais confiance à ce sujet. Vous avez démontré un talent évident pour la nécromancie et je suis donc certaine que vous dites la vérité quand vous affirmez que c'est une bonne arme.

Elle vous a tout de même été confiée par une vampire... Et cette dernière devait être une nécromancienne fort compétente pour former aussi bien son élève.

Bien sûr, vous deviez vous-même être une excellente élève. Je n'en doute aucunement...

Elle accompagna sa flatterie d'un sourire à l'adresse de son enseignante. Le compliment n'était peut-être pas totalement sincère, mais le sourire si. Elle était vraiment heureuse d'acquérir un catalyseur...

En attendant d'arriver à destination, la vampire observait les environs avec curiosité, afin de se familiariser avec les lieux. Après tout, peut-être risquait-elle d'y revenir plus tard... Qui pouvait le dire ?

[Theorem & Ishtar]

Ishtar voyait bien ce qui intéressait réellement Carmilla. Ses sourires et ses courbettes ne pouvaient pas singer une experte comme la dragonne qui voyait clair dans le jeu des gens... Mais elle ne pouvait pas lui en vouloir. C'était normal de flatter l'égo de ceux qui pouvaient vous apporter quelque chose. Imaginez bien que même si la dragonne ne s'était pas rabaissée à s'incliner devant des maîtres, elle n'avait pour autant jamais mit de côté un peu de léchage de fesse qui marche plus tard. Maintenant elle était de ceux à qui on léchait le cul alors... c'était pas plus mal.

"Certes, je fut élève, mais j'avait des raisons d'être motivée. La vengeance est le moteur de motivation le plus efficace que je connaisse ! Ca et survivre..."

Les heures sombres qu'elle avait connu avait laissé de profonde cicatrices dans son âme. Maintenant, elle était toujours sur le qui-vive, passionnée et pratiquement égoïste. Assez de s'être laissé bouffer par les plus forts. Le temps du martyr était terminé, elle se vengeait désormais sur la vie qui l'avait privée de plaisir. Après quelques pas dans sa demeure en sous-sol, elle arriva dans son atelier. C'était loin d'être aussi ordonné que ce que Theo avait dans son atelier à lui. Ishtar était plus bordélique et comptait souvent sur son compagnon pour passer derrière elle. La nécromancienne sortit un coffret de sous une table et prit dans ses mains une dague à lame ondulée. Un kriss d'origine vampirique, vu ses inscriptions tirées du livre d'erebus, la bible des vampires.

"C'est ce poignard que m'a donné Anoka. Elle m'a offert trois choses durant mon enseignement. La première fut son savoir, la seconde fut cette dague."

Elle l'a tendit à sa future élève avant de lui indiquer de présenter sa paume. Un petit passage du fil de la lame et une marque rouge se dessina sur la paume de la vampire, presque indolore. Ishtar retira un de ses gants, dévoilant une main visiblement bandée médicalement avec un bandage noir discret, avant d'entailler sa paume à son tour et de serrer sa main avec celle de la vampire.

"Et la troisième fut sa soif vampirique..."

[Carmilla]

Pendant leur marche, la vampire écoutait attentivement la dragonne en méditant ses paroles. La vengeance... C'était donc pour ça qu'elle avait étudié la nécromancie ? C'était un but comme un autre. Il y avait un point commun entre les nécromanciens : ils apprenaient tous ce domaine avec de sombres intentions, et comment pourrait-il en être autrement avec un domaine impie comme celui-là ? Elle se demanda toutefois ce qui avait bien pu provoquer cette volonté de vengeance, mais préféra s'abstenir de poser la question pour le moment. Chaque chose en son temps... Il y avait autre chose à faire avant ça.

Elle partageait l'avis de la dragonne quant à la survie en tant que moteur de motivation. C'était d'ailleurs l'objectif principal de bien des nécromanciens mortels, qui souhaitaient prolonger leur vie, voire à acquérir l'immortalité, même si cela devait passer par un changement d'état ou une transformation. Combien de mages et de sorciers étaient prêts à tous les sacrifices afin de se changer en liches ou en vampires ? La peur de la mort était indéniablement une grande source de motivation dans laquelle beaucoup de nécromanciens puisaient. En affrontant la mort, ils pouvaient acquérir le pouvoir de la défier.

La dragonne et la vampire étaient finalement arrivées dans un atelier plutôt chaotique. Carmilla espérait qu'elle était bien plus douée en nécromancie qu'en rangement. Dans le cas contraire, elle ne risquait pas d'apprendre grand chose à ses côtés... Comment pouvait-elle se retrouver dans tout ce fatras ? Heureusement, elle trouva rapidement ce qu'elle cherchait, à savoir le coffret contenant la fameuse arme, et sortit celle-ci de son réceptacle. Une belle arme, à n'en point douter... Elle était plus ou moins comme elle l'avait imaginée.

À la demande d'Ishtar, Carmilla tendit la paume de la main, dans laquelle la maîtresse traça un sillon de sang avec l'arme avant de s'entailler de la même façon. Cette dernière serra ensuite sa main, mêlant ainsi leurs deux sangs. Enfin, elle lui dit quelque chose qui l'intrigua. Sa maîtresse avait partagé avec elle son savoir et sa dague, soit. Mais... Sa soif vampirique aussi ? Ces mots intriguèrent la vampire.

- Sa soif vampirique, vraiment ? Je dois vous avouer que cela me surprend. Pourquoi aurait-elle fait cela ? Était-ce donc le prix à payer pour recevoir ses enseignements ?

Carmilla sonda soudainement le regard d'Ishtar avec intensité, essayant visiblement d'y lire quelque chose. À dire vrai, elle ne savait pas exactement quoi, mais elle voulait comprendre sa "maîtresse" et cherchait les réponses à ses questions dans le fond de ses yeux. Plus le temps passait et plus sa curiosité au sujet de la relation entre la dragonne et sa maîtresse vampirique s'intensifiait.

[Theorem & Ishtar]

Ishtar resta un moment avec sa main entaillée contre celle de sa partenaire. Puis calmement, elle retira cette dernière en laissant sa magie de régénération soigner sa blessure et ne laisser même pas un trait plus clair dans les écailles fines de sa paume. Replaçant son gant noir sur sa main bandée, qui n'attira pas la curiosité de sa nouvelle élève, la dragonne prit doucement la main de son élève et... donna un coup de langue lent et agréable sur la blessure de son élève, récupérant le sang et laissant sa salive agir, refermant doucement la plaie de cette dernière avant de se relever, frottant sa langue tâchée de sang sur son palais avant de sourire à pleines dents.



"Vous n'aviez pas remarqué que j'avais des crocs développés et une aisance avec votre race ? Bon je ne suis pas une authentique sang pur comme vous, ou même une engeance, mais j'avais une grave maladie du sang qui me condamnait presque à la moindre blessure. Anoka m'a donné de son sang pour m'immuniser à ce mal. Mais juste assez pour m'altérer, sans pour autant me transformer."

C'était parfois une des seules solutions pour des maux comme l'hémophilie. Depuis, le sang de la dragonne s'était retrouvé changé et même si elle pouvait s'alimenter d'autres choses, elle avait toujours l'envie de croquer dans une gorge bien fraîche la nuit tombée. Elle tuait rarement ses victimes pour l'occasion et cela ne survenait que les nuits sans lune. Son appétit était trop petit pour lui donner envie de mordre jusqu'à la mort des humains, elle était rassasié au bout d'un bon litre. Et encore, vous vous voyez boire un litre d'eau complet d'une traite ?! Elle, sûrement pas.

"Mon mal étant soignée, j'ai attendue de prendre le pouvoir sur mon paternel pour faire un rituel qui m'a transformée en draco-liche. Bien entendu, oubliez un peu vos récits sur ces dragons zombies repoussants... Regardez, je suis plutôt présentable, non ? Mon coeur bat toujours et j'ai toujours des besoins physiques. Mais je ne prend ni âge ni blessure grave. Et si mon vaisseau corporel venait à être détruit, ma lanterne brillera éternellement, je pourrai revenir. Comme les goules, les serviteurs des vampires... Vous avez sûrement vu ces créatures débiles rendues à l'état de charognards infâmes... Je vais vous en présenter un de top qualité."

Regardant sa montre à gousset, elle appuya sur un bouton. Une forme vaporeuse commença à se former au sol et la brume verdâtre prit soudainement la forme d'un jeune garçon à la toute fin de sa puberté, une ample tignasse rouge nouée en queue de cheval, un uniforme noir sur le dos et visiblement une gemme noire enchâssée dans la poitrine, visible uniquement par un trou en losange dans sa qipao chinoise. Theorem regarda sa maîtresse puis la vampire, un peu timidement.

"Minnares Ishtar ?... Nous avons de la visite ?"
"Oui je te présente Carmilla, ma nouvelle élève. Salut-la comme il se doit."

En général, Ishtar n'était pas aussi impétueuse, mais elle le faisait quand il y avait un rapport de force en jeu ou de domination. Le rapport prof/élève étant ce qu'il était, Ishtar marquait simplement son territoire et demanda à Theo une docilité exemplaire. Le Haiena s'inclina donc très docilement et de manière un peu théâtrale avant qu'Ishtar ne le colle à lui, mains sur les hanches, respirant doucement dans son cou avant de lever les yeux vers Carmilla.

"Il se nomme Theorem et il est miens."

[Carmilla]

Carmilla constata que la dragonne était capable de se régénérer, mais avait une main bandée malgré tout. C'était curieux... Néanmoins, il existait des blessures que même une extraordinaire capacité de régénération ne soignait pas comme ça. Certains sorts pouvaient laisser des plaies plus durables, voire même permanentes... Dans tous les cas, cela prenait un temps de guérison supérieure à la normale, régénération ou non. C'était une capacité incroyable, certes, mais comme ce don avait des limites.

Ishtar prit la main de la vampire afin de lécher sa plaie. Celle-ci se referma aussitôt, révélant une capacité semblable à celle des vampires. En effet, elle tenait d'eux, sans en être tout à fait une, ce que lui expliqua ensuite la dragonne en détail. C'était intéressant... Fascinant, même. Certes, Carmilla avait repéré ses crocs développés, mais les vampires n'étaient pas les seules créatures avec des canines plus longues que la moyenne. Ishtar était tout de même une dragonne ! Quant à l'aisance avec les vampires... Sa race bénéficiait d'un certain charme aux yeux de certains. L'idée de devenir un mort-vivant charmant, immortel et ne vivant que la nuit semblait séduire un nombre non-négligeable de mortels...

La vampire écouta la suite avec intérêt. Donc la dragonne avait consommé du sang vampirique pour soigner une maladie, mais avait employé un rituel pour devenir draco-liche ? Intéressant, encore une fois... La perspective de devenir une liche n'avait jamais tenté Carmilla de son vivant, mais à en juger Ishtar, il devait exister un moyen de contourner certains problèmes liés à cette nature particulière. Dans tous les cas, c'était bien une liche car elle avait un phylactère, à savoir la lanterne dont elle parlait.

À sa grande surprise, Ishtar lui révéla avoir une goule, elle aussi différente des créatures décharnées et immondes que la plupart des monstres connaissaient. Elle se demanda en quoi celle-ci était différente des autres. Dans tous les cas, elle devait bien être nécrophage, non ? Quand la dragonne appuya sur un bouton de sa montre, une brume apparut pour former un jeune garçon. Le principal détail que Carmilla remarqua alors fut la gemme noire enchâssée... Qu'était-ce donc ? Était-ce lié à sa nature ? Voilà un mystère qu'elle désirait élucider assez rapidement. Elle devait absolument savoir ce dont il s'agissait...

À la demande d'Ishtar, la goule s'inclina, puis la dragonne vint derrière lui (car, goule ou non, ça restait un mâle) pour le caresser en respirant dans son cou. Elle comprenait mieux la nature de la relation entre les deux êtres... Ce n'était visiblement pas qu'un simple serviteur, non. L'inférieur était aussi le jouet d'Ishtar. Voilà quelque chose qui ne la surprit que peu, après avoir eu un maître comme le sien. C'était à croire que beaucoup de nécromanciens tenaient à avoir des serviteurs pour ce genre de choses !

Gagnée par la curiosité, la vampire s'approcha et palpa le visage de celui qu'Ishtar avait présenté sous le nom de Theorem, vérifiant la fermeté de sa peau ou l'état de ses dents. Une goule, ça devait bien avoir quelque chose de peu... ragoutant, non ? Ses mains parcoururent légèrement son corps, à la recherche de détails étranges, puis remontèrent vers la pierre noire, sans vraiment la toucher.

Enfin, elle prit la parole, non sans regarder la pierre avec intérêt.

- Une goule intéressante, à n'en pas douter, dame... Vous avez un serviteur remarquable, bien que je ne sois pas de celles et ceux qui recherchent ce genre de laquais, pour être franche.

Mais... Qu'est-ce donc que cette pierre ? Est-elle à l'origine de sa nature ?

[Theorem & Ishtar]

Visiblement, Carmilla était intriguée de voir une goule dans un tel état plutôt que ces corps abjects et dégoûtants qu'on croisait par moment dans les cimetières et qui déterraient les corps fraîchement enterrés pour se sustenter de la manière la plus ignoble possible. En réalité, être un mort-vivant voulait dire appartenir au nécromancien qui vous ramenait à la vie. Toutes les Goules Haiena comme lui n'avaient pas la chance, le privilège même, d'être ramené à la vie par un pair ou par Gula dans le Mawden. Certains avaient un contrat sur la tête depuis leur "naissance" et c'était le cas de Theorem qui ne pouvait connaître autre chose que la servitude. Tel un objet, Carmilla l'examina. Elle palpa son visage fin, regarda ses yeux verts émeraudes, inspecta l'état de sa dentition avant de passer ses mains sur son corps comme s'il était un bien à acquérir et qu'il pourrait dissimuler des vices cachés. Puis elle annonça qu'elle recherchait un bien autre type de serviteur... Probablement ceux que les vampires appréciaient le plus...

"Oh, vous recherchez donc un adepte que vous ferez doucement basculer dans les rangs des forces vampiriques ? Tout en le laissant longtemps mariner dans son état de non-mort pour le diriger à votre guise... Quelle idée excitante !"

Ishtar lâcha alors un peu Theorem qui devait se positionner en arrière-plan et laisser les maîtresses parler entre elles. Il n'avait pour l'instant pas son mot à dire et... pour être honnête, il sentait que Carmilla ne le jugeait pas en tant qu'individus, plutôt une possession d'Ishtar, voila tout. Donc rechercher à devenir son ami, ou même songer à s'adresser à elle autrement que par le vouvoiement et quand on était invité à parler expressément était impensable. Ishtar repris sa description qui pouvait intéresser Carmilla.

"Cette pierre noire est le coeur slime que possède ma goule. Il peut ainsi manipuler le slime noir et l'utiliser pour prolonger son corps. Il l'avait déjà quand j'ai mit la main sur lui. Au sujet de votre recherche, peut être que nous devrions aller voir ces pauvres petits cochons roses humains qu'on guide à l'abattoir dans la salle de torture. Nous trouverons bien un humain suffisamment désespérer pour vous voir comme une déesse à vénérer. C'est un peu la facilité, j'ai préféré plus de challenge avec mon Theorem. Mais pour débuter, ça peut être vraiment pas mal. Qu'en pensez-vous ?"

[Carmilla]

Carmilla ne put cacher son étonnement quand on mentionna l'idée de faire mariner quelqu'un dans un état de non-mort avant de le faire rentrer dans les rangs de l'aristocratie de la nuit. Vraiment ? Quelle idée saugrenue ! Elle faisait une distinction claire entre la noblesse et le bas-peuple. Les vampires appartenaient à l'élite des non-morts. Ils régnaient en maîtres sur les ténèbres nocturnes. Un serviteur ne pourrait jamais aspirer à une telle distinction. Si elle voulait un infant, elle ne le ferait certainement pas mariner dans un état inférieur et indigne de lui pendant des nuits. Ce serait une condition tellement humiliante...

Elle tiqua également à deux reprises quand Ishtar appela les humains des "cochons roses" et lui dit que choisir un mortel dans la salle de torture était la solution de facilité. Elle avait beau être une vampire, elle avait été un de ces "cochons roses" et avait plus de respect pour l'espèce humaine que pour d'autres peuples. Certes, elle voyait la race humaine comme un troupeau sur lequel se nourrir et dans lequel elle pouvait piocher les éléments intéressants pour en faire des serviteurs qu'elle traiterait à peine mieux que des animaux domestiques, mais c'était tout de même un respect bien supérieur à ce qu'elle pouvait ressentir pour d'autres espèces, notamment celles qui avaient un physique disgracieux et/ou la réputation d'être peu raffinées.

En outre, la vampire n'aimait pas trop entendre qu'elle adoptait la solution de facilité, alors qu'elle ne désirait qu'un simple domestique pour le moment, et rien de plus. En temps voulu, elle chercherait bien plus, mais pour le moment, elle ne désirait aucunement une relation comme celle qu'Ishtar entretenait avec son serviteur. Dans ces conditions, il était difficile de dire qu'elle choisissait la voie de la facilité.

Après quelques secondes de réflexion, elle prit la parole afin d'éclaircir ses intentions :

- J'en pense que ça peut être pas mal pour un serviteur...  Du moins, au début. Je pense aussi que vous vous trompez lourdement sur mes intentions : je ne cherche aucunement un adepte, mais un simple domestique pour me servir. Rien de plus, rien de moins.

Tant qu'il me sert et m'obéit, je serai satisfaite. Je ne demande rien de plus. Vous avez accompli un travail remarquable avec votre larbin, mais je ne cherche pas la même chose que vous. Je ne veux pas m'encombrer de la sorte pour le moment, simplement me faciliter l'existence.

Elle avait lâché le mot "larbin" très naturellement. Cela lui semblait normal.

[Theorem & Ishtar]

Ishtar sentait qu'elle avait certainement un peu chauffé les oreilles de sa nouvelle élève sur le sujet des humains ou sur la facilité des choses. Mais on ne pouvait pas plaire à tous le monde et on ne pouvait certainement pas être 100% en phase avec celui qui vous enseigne. Ishtar ne l'était pas avec Anoka, mais assez pour apprendre d'elle et être une amie de valeur... jusqu'à ce que les sentiments ne changent trop et la force à partir. La dragonne décida donc de se taire pour le moment et de laisser la vampire parler. Elle-même ne fit pas mine de son désaccord, mais on ne trompait pas quelqu'un qui voyait clair en vous grâce à son expérience, même pour les poker faces.

"Je disais facilité parce qu'après quelques mois d'entraînement, je vous apprendrais à hypnotiser et charmer les humains sans trop d'effort. On dit que c'est tellement facile au bout d'un moment qu'on viendrait presque à avoir pitié d'eux... C'est ce que me disait Anoka. Quant aux cochons roses, certes, j'imagine que vous étiez humaine avant, mais je ne le dis pas forcément à mal. Les porcs et les humains ont quasiment le même goût, leurs organes et le travail de leur chair son également similaires... Ma philosophie est qu'on est ce qu'on mange, les humains mangent trop de cochons... Voila pourquoi je ne mange pas d'humains..."

Ishtar essaya de s'expliquer, même si d'ordinaire elle n'avait pas à le faire. Si on ne le comprenait pas, elle ne se justifiait pas. C'était une exception pour son élève parce qu'elle voulait que ça se passe bien. Ishtar savait aussi que Carmilla voyait Theo comme un larbin, un laquais juste bon pour sa beauté et pour son talent au combat et sa docilité... Mais bon, elle ne pouvait pas la juger là-dessus.

"Bien, on peut quitter cet atelier et se retrouver dans un endroit plus confortable. Je pense qu'il serait un peu rapide d'entamer directement les premières leçons."

[Carmilla]

Carmilla se renfrogna davantage quand la dragonne eut l'impudence de comparer les hommes à des cochons. Pire encore, elle osa insinuer que l'on devenait ce que l'on mangeait. Or, le cochon est mangé par l'homme... Et le vampire se nourrit sur l'homme. Non seulement elle insultait donc ses origines, mais par extension, puisqu'elle se nourrissait sur des êtres humains, son état actuel ! C'en était trop... Perdue dans de sombres pensées, elle ne prêta même plus attention à ce que la dragonne lui disait. Seule l'insulte restait.

Certes, la vampire n'était plus tout à fait humaine, mais elle ne méprisait pas les hommes pour leur nature. Non, c'était au-delà de ça : elle ne supportait pas leur faiblesse naturelle, ni leur mortalité. Les hommes étaient capables d'accomplir beaucoup en dépit de celles-ci. Carmilla avait rejeté sa vie mortelle, mais pas par mépris pour l'espèce humaine. Non, elle avait cherché l'immortalité et accepté d'étudier auprès d'un vampire afin de repousser la vieillesse et la mort. Vieillir, dépérir, puis mourir pour finalement se décomposer... Cette idée lui avait toujours semblé insupportable. Elle ne voulait pas conserver ce côté fragile et éphémère qui caractérisait l'humanité. Elle avait aspiré à bien plus ! Et elle avait d'ailleurs acquis ce qu'elle avait désiré...

Quand Ishtar eut fini de parler, elle leva un regard rouge vers cette dernière et s'exprima froidement :

- Je crains de devoir vous contredire... Nous ne sommes pas ce que nous mangeons. Sinon, les lions seraient des gazelles, les chats des souris et les renards des lapins. L'homme est un être qui se nourrit autant sur des végétaux que des animaux. Pour certains animaux, il est un prédateur, tout comme un vampire est un prédateur pour lui. Un prédateur qui ne le mange pas et ne se nourrit que de son sang, qui peut également le gouverner quand c'est possible, mais nous conservons en quelque sorte une relation prédateur-proie. Nous sommes des loups veillant sur des troupeaux, mais le loup qui sous-estime le bélier peut payer chèrement la leçon d'humilité.

Les humains sont fragiles, mais ce ne sont pas des porcs. Leurs talents sont grands et c'est parce qu'ils ont besoin de vaincre la mort pour dépasser leur condition mortelle que certains sont devenus de grands maîtres de la nécromancie. Je suis supérieure aux mortels, je ne fais plus partie de leur rang, mais je reste humaine de corps. Si je peux tuer un homme sans sourciller, je les vois davantage comme des sujets pouvant servir de gibier à l'occasion que comme des êtres sacrifiables à volonté.

Le sang... Le sang est une ressource bien trop précieuse pour qu'on le gaspille. Quand on tue un homme, on gâche une réserve de sang renouvelable. C'est quelque chose qu'il ne faut pas oublier. D'ailleurs, je ne l'oublie pas et ne tue qu'exceptionnellement, quand j'en ai besoin. Non par bonté ou par gentillesse, je vous rassure... Je ne ressens ni pitié ni compassion pour eux. Pas plus que le loup mordant l'agneau. J'évite juste de tuer parce que je n'aime pas détruire mes biens.

Elle se calma et ajouta, en songeant à ce que la dragonne avait dit à la fin :

- Quant à vos leçons... Soit ! Allons chercher un esclave, alors !

[Theorem & Ishtar]

Ishtar aurait put se vexer ou montrer des signes de colère de s'être fait rembarrer comme ça. Elle n'aimais pas ça qu'on remballe ses idées sans même prendre le temps de comprendre un minimum son point de vue. Après tout, elle se donnait la peine de le faire et de s'expliquer ! Mais bon, son élève devait avoir des idées bien spécifiques sur les humains que la dragonne ne comprenait pas. Et soudain elle fit le rapprochement entre ce que Carmilla avait dit et ce que la dragonne s'était imaginée à entendre. Non non, Carmilla n'était pas une sang-pur, c'était une transformée. Ceci expliquait cela... Elle avait été humaine et au lieu d'en avoir honte ou de l'avoir oublié, elle prenait les humains avec une certaine sympathie... Oh, elle s'en lassera dans quelques siècles. Du coup, Ishtar souriait avant de rire doucement.

"Carmilla, je comprend mieux maintenant... Très bien, à ton aise, je ne ferais plus mention des humains tel que je les vois. Ce n'est pas vital à l'enseignement que je ferais."

Doucement, elle caressa le dos de la vampire et lui fit signe de la suivre tranquillement vers l'extérieur de sa demeure. Ce n'est que dans la salle de torture qu'on retrouvait encore des humains vivants et assez désespérés pour craquer et se soumettre. Dans les geôles c'était souvent des traîtres ou des endurcis. Et puis après quelques séances de torture, on devient beaucoup plus... dociles ! Theorem suivait calmement, silencieux, mais mine de rien alerte quant à la suite des évènements. A force de vivre avec la dragonne, on devenait... prudent quand même.

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